Le bonheur ? il y avait la-dedans du confort, de l'organisation, une stabilité construite qui m'est tout étrangère. Avoir des malheurs c'est sentir l'échafaudage bonheur ébranlé par les coups du sort. En ce sens, je suis tranquille. Je suis à l'abri du malheur, car je n'ai pas d'échafaudage. Moi, je suis l'homme de la tristesse et de la joie. Alternative tout opposée à l'alternative malheur-bonheur. Je vis nu et solitaire, sans famille, sans amis, exerçant pour survivre un métier qui est tellement au-dessous de moi que j'y satisfait sans plus y songer qu'a ma digestion ou à ma respiration. Mon climat moral habituel est une tristesse d'ébène, opaque et ténébreuse. Mais cette nuit est souvent traversée par des joies fulgurantes, inattendues et imméritées, qui s'éteignent aussitôt, mais non sans me laisser les yeux plains de phosphènes dorés et dansants. (10)